Magnac Laval

 

Chère épouse et parents,

 

 

Aujourd'hui samedi, je vous écris pour faire savoir que nous sommes toujours à Magnac à l'heure qu'il est. Nous ne sommes pas encoretous habillés, car dans le régiment que nous allons former qui est le 90ème territorial, nous sommes plusieurs classes 95-96-97-98 et 99 « qui est moi » des plus jeunes.

 

 

La réserve d'active a été composée comme nous de plusieurs classes. Ils sont partis aux environs de paris, tandis que nous, on dit que nous partons lundi sans savoirla direction. Tout reste secret, les uns disent que nous allons même en Afrique remplacer la troupe qui est rentrée, les autres à la Rochelle ou à paris dans les forts. On dit même que nous allons faire les moissons dans la Champagne et c'est là que nous allons boire du bon vin.

 

J'ai vu Lucien le même jour dans la soirée qui venait d'arriver. Nous sommes à peu près fini d'habiller... nous on s'est habillé à notre guise, personne ne nous dit rien.

 

On se couche dans la paille et on dort ; puis on mange comme des cochons. On pourrait aller coucher chacun chez soi en attendant l'ordre du départ ;

 

Moi, je suis à la 12ème compagnie. Il y a encore deux ou trois classes de réserve d'armée active à rentrer qui viendra nousdépasser en chemin. Nous nous sommes des bons et ne vous pas de mauvais sang car si vous nous voyiez, on s'en fait guère, nous !Je vous écris couché sur l'herbe sortant de faire un somme. Ne vous faites pas de mauvais sang et à bientôt ; Voila mon adresse :

 

 

  1. soldat teritorial

    à la 12ème compagnie du 90 ème territorial

    à Magnac laval

    Haute Vienne

 

vous n'avez pas à les affranchir.

 

Je vous embrasse

 

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Correspondance militaire adressée à monsieur Jules SECHERET

 

Soldat au 268 ème d'infanterie

 

23ème Compagnie

 

secteur postal N° 66

 

 

Champignolles (près de Montmorillon) le 31 décembre 1914

 

 

Cher parrain,

 

 

Mon Papa, ma Maman, ma petite sœur se joignent à moi pour te souhaiter une bonne et heureuse année et une bonne santé et pour t'embrasser de tout notre cœur .

 

L'an passé, ce jour, j'ai eu la joie de t'embrasser, mais cette année, un Personnage Maudit m'a enlevé ce bonnheur, mais ayant ta photographie, je la couvre de mes plus tendres baisers avec le ferme espoir que tu nous reviendras sain et sauf cette année de la Victoire après avoir accompli le plus sacré des Devoirs envers notre Patrie bien aimée.

 

Ta filleule qui t'aime bien.

 

 

Jeanne Fillaud

 

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Lettres de J Delabracherie mort le 28 août 1914 au combat de Le Transloy.

 

 

1) Chère femme, mes deux gosses ainsi que toute ma famille,

 

 

 

Je te dirai que je suis rendu à Magnac et nous partons pour Paris jeudi prochain pour nous rendre sur la frontière de l'Allemagne. Je te dirai que depuis dimanche je n'ai pas mangé pour deux sous de nourriture quand en ce moment j'ai 50 000 mille idées dans la tête mais quoi qu'il en soit je ne suis pas malade. Je te dirai que nous avons arrêté un espion allemand et je te garanti qu'il n'est pas au bout de ses peines. Il y en a trois espions qui ont été exécuté mais pas à magnac, tout près de Paris.

 

Je te dirai que c'est la dernière lettre que je te fais car après je pense que je ne pourrai plus ou si je réécris se sera quand je serai rendu à Paris.

 

En ce moment, il paraît que ça va mal mais je lutterai jusqu'au bout pour l'honneur de tous, vous sauver si je peux ainsi que tous mes camarades.

 

 

 

 

2) Chers Mère et frère,

Tout ce que je vous recommande, s'est de veiller sur mes deux enfants ainsi que Margueritte bien aimée.Tant qu'à moi, ne comptez plus sur moi car on s'en va dans une boucherie humaine. Ma dernière pensée pour ma mère, ma femme et mes deux enfants ainsi que toute ma famille que j'ai tant aimé autrefois et que j'aimerai toujours tant que je vous verrez de loin. Il faut espérer qu'un jour on se trouvera dans l'espace du soleil.Embrasse mes petits bien fort pour moi.

 

Au 338ème de Magnac Laval, je te dirai que nous sommes beaucoup de Saint Junien.

 

Si vous voulez faire réponse, écrivez aussitôt reçu ma lettre. Ne vous ennuyez pas. Du courage. J'ai l'espoir d'apporter un casque Prussien.

 

bonjour à chez mon beau père.

 

Au revoir. Adieu Vive la france.

 

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Aux armées le 27 mai 1916

 

Chers parents,

 

 

je suis toujours en bonne santé. Je ne cours aucun risque. Les hommes creusent toujours des tranchées et des boyaux. Depuis hier, nous avons quitté notre bivouac pour aller dans un cantonnement plus près du front. Nous sommes avc des artilleurs, des chasseurs à cheval, du génie à pieds et des hussards. Nous sommes bien mieux que sous les tentes. Nous devons aller au repos le 5 juin. Je trouve à peu près tout ce que je veux ; ne m'envoyez ni argent ni colis avant que je vous en ai demandé. Le secteur est toujours calme ; nous travaillons toute la journée et nous n'entendons que quelques coups de 75.

 

Je tiens à vous dire que les Allemands peuvent attaquer où nous sommes. Les malheureux, ils sont bien attendus. Vous ne pouvez pas vous figurer tout ce qui a été fait depuis la guerre comme tranchées, abris de mitrailleurs et guitounes.

 

Autant il en viendrait, autant il en resterait. De leur côté c'est peut être la même chose.

 

 

Plus rien de nouveau.

 

 

Votre fils qui vous aime

 

 

G Ragain

 

 

 

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Le 8 octobre 1914

 

Chère Jeanne,

 

 

Je viens te demander comment tu vas et si tu as des nouvelles de Louis.

 

Je suis depuis 5 semaines isolé au milieu de sales et dégoutants limousins qui nous traitent en véritables prisonniers allemands. Je mène une vie oisive et m'emnuie beaucoup.

 

J'espère avoir le plaisir de rejoindre prochainement le nord avant d'être désigné pour partir sur les champs car j'ai le numéro 3 et cela pourrait arriver d'un moment à l'autre. En tout cas, je ne peux regretter en aucune façon cette région et n'importe où je peux aller, je serai content de partir car ici il y a vraiment bien de se demander si c'est encore la France !!

 

Je ne me plains nullement de la vie militaire en ce moment. On pourrait certes aller mieux mais hélas il y a bien pire aussi.

 

Plaise à Dieu que nous sortions victorieux de cette heure terrible et que ton mari et les miens rejoignent leurs foyers intactes de la lutte.

 

Ton dévoué cousin

 

Ronard

 

 

 

lettre d'un soldat originaire du nord de la France envoyé d'un hôpital militaire auxiliaire limousin

 

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La guerre et ce qui s'ensuivit

 

    Tu n'en reviendras pas toi qui courais les filles

    Jeune homme dont j'ai vu battre le coeur à nu

    Quand j'ai déchiré ta chemise et toi non plus

    Tu n'en reviendras pas vieux joueur de manille

 

    Qu'un obus a coupé par le travers en deux

    Pour une fois qu'il avait un jeu du tonnerre

    Et toi le tatoué l'ancien Légionnaire

    Tu survivras longtemps sans visage sans yeux

 

    Roule au loin roule train des dernières lueurs

    Les soldats assoupis que ta danse secoue

    Laissent pencher leur front et fléchissent le cou

    Cela sent le tabac la laine et la sueur

 

    Comment vous regarder sans voir vos destinées

    Fiancés de la terre et promis des douleurs

    La veilleuse vous faite de la couleur des pleurs

    Vous bougez vaguement vos jambes condamnées

 

    Vous étirez vos bras vous retrouvez le jour

    Arrêt brusque et quelqu'un crie Au jus là-dedans

    Vous baillez Vous avez une bouche et des dents

    Et le caporal chante Au pont de Minaucourt

 

    Déjà la pierre pense où votre nom s'inscrit

    Déjà vous n'êtes plus qu'un mot d'or sur nos places

    Déjà le souvenir de vos amours s'efface

    Déjà vous n'êtes plus que pour avoir péri

 

Aragon

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Emile VERHAEREN
CEUX DE LIÉGE

 

 
Dût la guerre mortelle et sacrilège
Broyer notre pays de combats en combats,
Jamais, sous le soleil, une âme n’oubliera
Ceux qui sont morts pour le monde, là-bas,
À Liège.

Ainsi qu’une montagne
Qui marcherait et laisserait tomber par chocs
Ses blocs,
Sur les villes et les campagnes,
S’avançait la pesante et féroce Allemagne.


Oh tragique moment
Les gens fuyaient vers l’inconnu, éperdument
Seuls, ceux de Liège résistèrent
À ce sinistre écroulement
D’hommes et d’armes sur la terre.

S’ils agirent ainsi,
C’est qu’ils savaient qu’entre leurs mains était remis
Le sort
De la Bretagne grande et de la France claire ;
Et qu’il fallait que leurs efforts,
Après s’être acharnés, s’acharnassent encor
En des efforts plus sanguinaires.

Peu importait
Qu’en ces temps sombres,
Contre l’innombrable empire qu’ils affrontaient,
Ils ne fussent qu’un petit nombre ;
À chaque heure du jour,
Défendant et leur ville, et ses forts tour à tour,

Ils livraient cent combats parmi les intervalles ;
Ils tuaient en courant, et ne se lassaient pas
D’ensanglanter le sol à chacun de leurs pas
Et d’être prompts sous les rafales
Des balles.

Même lorsque la nuit, dans le ciel sulfureux,
Un Zeppelin rôdeur passait au-dessus d’eux,
Les désignant aux coups par sa brusque lumière,
Nul ne reculait, fût-ce d’un pas, en arrière,
Mais, tous, ils bondissaient d’un si farouche élan,
En avant,
Que la place qu’ils occupaient demeurait vide
Quand y frappait la mort rapide.

À l’attaque, sur les glacis,
Quand, rang par rang, se présentaient les ennemis,
Sous l’éclair courbe et régulier des mitrailleuses,
Un tir serré, qui, tout à coup, se dilatait,

Immensément les rejetait,
Et, rang par rang, les abattait
Sur la terre silencieuse.

Chaudfontaine et Loncin, et Boncelle et Barchon,
Retentissaient du bruit d’acier de leurs coupoles ;
Ils assumaient la nuit, le jour, sur leurs épaules,
La charge et le tonnerre et l’effroi des canons.
À nos troupes couchées,
Dans les tranchées,
Des gamines et des gamins
Distribuaient le pain
Et rapportaient la bière
Avec la bonne humeur indomptée et guerrière.
On y parlait d’exploits accomplis simplement
Et comme, à tel moment,
Le meilleur des régiments
Fut à tel point fureur, carnage et foudroiement,
Que jamais troupe de guerre
Ne fut plus ferme et plus terrible sur la terre.


La ville entière s’exaltait
De vivre sous la foudre ;
L’héroïsme s’y respirait,
Comme la poudre ;
Le cœur humain s’y composait
D’une neuve substance
Et le prodige y grandissait
Chaque existence :
Tout s’y passait dans l’ordre intense et surhumain.

Ô vous, les hommes de demain,
Dût la guerre mortelle et sacrilège
Même nous écraser dans un dernier combat,
Jamais, sous le soleil, une âme n’oubliera,
Ceux qui sont morts pour le monde, là-bas,
À Liège.

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L’illumination, par Luc Durtain.

 

 
La grand’route est énormément blanche
Et, vrai, si trop fort, qu’on ne peut
Dire: ça cligne aveugle.
Ça se troue, puis se dresse blanc.

 

À droite, à gauche, l’Avril terrible :
Amandiers, oliviers, près, pins,
Cailloux, blés verts, figuiers et roches.
Ça tressaille en l’œil comme, au fond
D’un crible, les couleurs des graines.
Les lignes, les idées se raturent :
Pourtant, c’est coulé d’un seul bloc,
Et même, tout de même, si l’on regarde,
C’est net et finement dessiné.

 

Cet homme en capote horizon
Dont sur la route la face semble noire,
Noire comme ses dents, noire comme son rire,
Cet homme qui rentre chez lui, lentement,
Traînant la mémoire du frère tué,
De la femme partie et deux jambes
Plus vieilles que lui, d’âge inégal
(La plus moche, c’est la sciatique d’Ypres,
La moins pire, celle du shrapnell de Reims),

 

 

Cet homme, ébloui tristement,
Se rappelle soudain comme en rêve…
Est-ce qu’il n’a pas déjà  connu cela :
Une route dans un vertige
Perpétuel et un soleil,
Deux, trois, quatre, cinq soleils des années
Qui s’ajoutent au dos sur le sac?
Des deux côtés, haut comme la jambe,
Un mur que l’on pourrait sauter
Mais qui vous a, comme une prison.
Et, des deux parts, le monde splendide,
Foisonnant, et plein, et précis,
L’immense monde gaillard qui s’en fiche ?…
Comme la fatigue, la chaleur,
La lumière réveillent ses longues fièvres,
Il trouve tout à coup bien simples
Les cinq années qu’il vient de vivre,
Et comprend soudain parfaitement
Ce qu’il faut être fou pour comprendre.

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L’illumination, par Luc Durtain.

 

 
La grand’route est énormément blanche
Et, vrai, si trop fort, qu’on ne peut
Dire: ça cligne aveugle.
Ça se troue, puis se dresse blanc.

 

À droite, à gauche, l’Avril terrible :
Amandiers, oliviers, près, pins,
Cailloux, blés verts, figuiers et roches.
Ça tressaille en l’œil comme, au fond
D’un crible, les couleurs des graines.
Les lignes, les idées se raturent :
Pourtant, c’est coulé d’un seul bloc,
Et même, tout de même, si l’on regarde,
C’est net et finement dessiné.

 

Cet homme en capote horizon
Dont sur la route la face semble noire,
Noire comme ses dents, noire comme son rire,
Cet homme qui rentre chez lui, lentement,
Traînant la mémoire du frère tué,
De la femme partie et deux jambes
Plus vieilles que lui, d’âge inégal
(La plus moche, c’est la sciatique d’Ypres,
La moins pire, celle du shrapnell de Reims),

 

 

Cet homme, ébloui tristement,
Se rappelle soudain comme en rêve…
Est-ce qu’il n’a pas déjà  connu cela :
Une route dans un vertige
Perpétuel et un soleil,
Deux, trois, quatre, cinq soleils des années
Qui s’ajoutent au dos sur le sac?
Des deux côtés, haut comme la jambe,
Un mur que l’on pourrait sauter
Mais qui vous a, comme une prison.
Et, des deux parts, le monde splendide,
Foisonnant, et plein, et précis,
L’immense monde gaillard qui s’en fiche ?…
Comme la fatigue, la chaleur,
La lumière réveillent ses longues fièvres,
Il trouve tout à coup bien simples
Les cinq années qu’il vient de vivre,
Et comprend soudain parfaitement
Ce qu’il faut être fou pour comprendre.

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Belgique Nordchoste 1er Novembre 1914

 

 

Ma chère adorée,

 

 

je t'écris sur mon sac dans les tranchées, voilà 9 jours que nous y sommes jour et nuit. Les zouaves, les tirailleurs et les noirs sont arrivés. Ils ont tenté de se porter en avant en traversant au moyen d'un pont le canal de Nieggport à Ypres qui est devant nous à 5 mn mais l'ennemi est là à 700m qui leur envoie un feu nourri. 17 zouaves tombent et sont obligés de battre en retraite.

 

Je ne peux te dire le temps que nous allons rester ici.

 

Mouhaud de Saingnemousoude a été tué dans un combat le 22 octobre nous avons dans le régiment 12 morts, nous étions en 1ère ligne. Eugène Thomas a un doigt de coupé, il est évécué. Les sales boches bombardent touteles églises surtout. Je ne vois plus de journaux, je ne sais comment ça va ailleurs, nous avons su malgré ça le succès de l'armée Russe.Vivement qu'ils arrivent à Berlin carça commence a être long.

 

Je suis toujours en bonne santé et je pense qu'il en est de même chez toi ainsi que nos amis et toute la famille. Tu mes dis que tu vas partir au pays, peut être es tu partie. J'ai reçu ta lettre le 29, je vais adresser la lettre à paris si tu es partie la conciergel a fera bien suions pas pu les dvre. Tu pourrais rester souvent à Laprugne, le plus souvent possible. L'on prétend que la guerre finira en Belgique, c'est un pays plat, mais voilà 10 jours que nous sommes face à l'ennemi et nous n'avons pas pu les déloger.

 

Je n'ai besoin de rien pour le moment, j'ai un tricot que j'ai touché à la compagnie. J'ai encore de l'argent. Quand j'aurai besoin de quelque chose je te le dirai. L'on boit de l'eau quand on en trouve ou de la bière mais il n'y en a plus. Le vin est très rare. Il vaut 1 franc 75 la bouteille mais où les allemands ont passé il n'y a plus rien. Avec de l'argent l'on peut rien avoir. Nous sommes les 1ers territoriaux au feu, il doit y avoir question de politique. Je ne sais si l'on va nous y laisser.

 

Tu m'écriras le plus souvent que tu pourras. Au lieu de Magnac Laval tu mettras central militaire.

 

Je termineen t'embrassant ainsi que toute la famille de tout cœur

 

 

(signé) CHAPELAIN

 

 

Si t'es pas partie, bonjour aux amis.

 

Les obus allemands passent sur nos têtes et vont éclater en arrière, quelques balles, de temps à autre, notre artillerie leur répond.

 

Il faudra t 'arranger pour toucher ton allocation au pays, ne pas leur en faire cadeau. J'ai fait ma lettre hier. Je vais tacher de la faire partir, je vais l'affranchir à 0 franc 25 tu me diras si elle y était car nous sommes toujours dans les tranchées, les aéros passent et sont attaqués par l'armée allemande sans les toucher. Il fait bien beau mais c'est un drole jour de toussaint. Donne moi des nouvelles de tes frères et de Gaston. Ton père ne m'a toujours pas répondu.

 

 

Ce n'est pas gai car nous sommes très mal ravitaillé, mais il faut prendre courage, deux avions viennent de se tirer l'un à l'autre sans s'atteindre. C'est le premier avion allemand que nous voyons. Il a envoyé 15 coups de canon sans être atteint.

 

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Septembre 1914

 

 

 

« ...Toujours une santé aussi bonne ; le frois seul m'est un peu sensible, mais je m'y habitue. Je reçois régulièrement de vos nouvelles, est-ce pour vous la même chose, Nous sommes très bien nourris, et je t'assure que si le canon ne tonnait pas si souvent et si fort l'on se croirait en manœuvre. Si la victoire nous sourit, la fin de la guerre ne tardera pas et alors quel long repos !!!... »

 

 

 

( Le régiment venait de subir la perte de plus de 500 hommes....)

 

 

 

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Croissy beau bourg le 17 septembre 1914

 

 

Chers Parents,

 

 

Je suis arrivé à Croissy il était environ 7 heures, nous avons fait de 28 à 30 kilomètres et avant d'arriver pour nous soulager de la fatigue que nous avions. Il a fait un orage épouvantable et il tombais de l'eau en abondance sans pouvoir trouver aucun abris. Il n'a pas duré longtemps mais le peu de temps, il nous a mouillé quand même. Nous avons eu cependant des effets secs pour nous changer. Aujourd'hui, il n'a pas plu, au contrire, il a fait beau. Nous sommes assez bien cantonné. Nous avons de la paille en suufisance et je crois que nous y resterons.

 

 

Au revoir chers parents.

 

A peut être bientôt

 

 

Chazette

 

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le 16 avril 1916

 

 

Ma chère Ginette,

 

 

je t'écris pour te dire que j'ai connu la mort de près cette nuit, mais maintenant tout va pour le mieux. J'ai vu toute ma vie défiler devant mes yeux. A cause d'un tir d'obus dans ma tranchée, l'alcôve où je dormais s'est effondrée, deux de mes camarades sont morts dans l'écroulement. Moi, j'ai reçu une poutre sur la jambe, ma jambe s'est infectée et les docteurs ont été obligés de ma couper la jambe. Maintenant, je ne risqueplus rien car ils m'ont transféré en dehorsde la zone de combats. Je peuxte dire que je suis heureux d'être parti de cet enfer avec les rats, des poux, les morpions, la boue, les macabés, les tirs d'artillerie de toutes sortes. Même si te l'ai dit dans mes lettres précédentes, c'est horrible ici, l'odeur de ses camarades morst depuis trois jours. Mais malgré tout ce malheur et toute cette haine, je pense sans arrêt à toi, toi Ginette. Tu illumines mon cœur comme le soleil se levant surle champ de bataille encore fumant à cause des obus de la veille.

 

 

Ton Jean Claude

 

 

 

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le 28 de ce Mai 1916.

 

 

Que pourrait trouver ma Chérie, ton petit mari de plus agréable que de pouvoir t'écrire son petit mot en cette triste situation, pour vous dire à tous mes bien chers qu'en ce jour, je suis toujours bien portant et en même temps comme toujours j'espère et désire de tout cœur que vous jouissiez tous d'une bien bonne santé.

 

 

En ce 28 mai, saison des grans jours, que pourrai je bien vous dire ! Rien, mes biens chers, absoluement rien ! Situation sans grand changement.

 

La paix ne vient pas vite sur notre pauvre terre boulversée par la science moderne changée en barbarie effrénée. Enfin, gardons toujours l'espoir que cette affreuse calamité aura sa fin comme toute chose ici bas.

 

 

Hier soir, je n'ai pas eu ma bonne lettre. Ce soir, je l'attend avec impatience. Le temps ne passe pas assez vite. Ma Valentine bien aimée, je l'espère toujours. Ah comme je serai heureux lorsque je serai pour toujours près de toi. Courage et espérons ! Coeur toujours beau !

 

 

Je termine pour aujourd'hui, mes bien chers en vous embrassant de tout cœur. Comme je vous aime !

 

 

Ton Cher petit qui t'aime bien fort, en serrant ma petite femme chérie

 

 

Auguste

 

 

 

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le 6 novembre 1918,

 

 

 

Mon adorée,

 

 

J'ai reçu ce matin une lettre de toi datée du 3. Elle m'a causé un très grand plaisir de te savoir en exellente santé. Pour moi ça va toujours très bien mais ce soir je suis désolé, je croyais finir aujourd'hui, mais je n'ai pas eu de veine. Le matin, nous avions 2 appareils pour faire des tirs et ils ont été cassés les deux, puis après midi pour comble de malheur il a plu toute la soirée nous n'avons donc pas pu voler. Pourvu que demain il fasse beau temps, car j'en ai assez de ce pays, puis il me tarde de te revoir. Enfin j'espère qu'il fera beau et que je pourrai vite finir afin d'être près de toi samedi ou dimanche matin.

 

Dans cette espérance, je termine en t'embrassant bien fort et bien longuement sur ta bouche tant aimée.

 

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10 août 1914. "Hier, durant tout le trajet, les populations pressées au passages à niveau et aux gares n'ont cessé de nous acclamer, les femmes envoyant des baisers, les hommes reprenant avec nous la Marseillaise et le Chant du départ. Pourquoi faut-il qu'une angoisse sourde m'étreigne le coeur? Si c'était en manoeuvre, ce serait très amusant; mais voilà, après-demain, dans 3 jours peut-être, les balles vont pleuvoir et qui sait? Si j'allais ne pas revenir, si j'allais tuer ma mère, assassiner ma mère, volontairement? Oh, que m'est-il réservé? Pardon Maman! j'aurais du rester, travailler mon violoncelle pour vous, pour vous qui avez fait tant de sacrifices, pour petite mère, déjà malade!".

 

Maurice MARECHAL, matricule 4684, classe 1912, 2° classe, 22 ans, violoncelliste

 

 

 

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3 mai 1916. "Tu ne peux pas te faire idée, ma chère, combien nous sommes malheureux; donc pourtant je n'ai pas trop l'habitude de ma plaindre, mais ce coup-ci j'y suis obligé car c'est une chose au-dessus de l'imaginable, c'est à ne pas pouvoir te dire. Dans ce tunnel, nous sommes une affaire de 3000 hommes en réserve, dans une humidité car l'eau ruisselle tout le long des murs, et il faut pourtant coucher là sur la voie de chemin de fer. On va chercher les vivres en pleine nuit près de Verdun, accompagnés tout le long du chemin par les obus, ce qui fait que nous ne pouvons faire qu'un repas par jour et sans soupe.

 

Pour se rendre aux premières lignes, c'est très pénible et très dangereux; un kilomètre environ avant d'arriver, il y a un passage dénommé le ravin de la mort, qui sait les hommes qu'il y a de tués là-dedans; il faut y passer, il n'y a pas d'autre endroit."

Joseph Gilles

 

 

 

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. "Nous avons passé trois jours couchés dans les trous d'obus à voir la mort de près, à l'attendre à chaque instant. Et cela, sans la moindre goutte d'eau à boire et dans une horrible puanteur de cadavres Un obus recouvre les cadavres de terre, un autre les exhume à nouveau. Quand on veut se creuser un abri, on tombe tout de suite sur des morts. Je faisais partie d'un groupe de camarades, et pourtant chacun ne priait que pour soi".

 

Karl FRITZ, armée allemande

 

 

 

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3 juin 1917. "Je vais vous dire que nous avons refusé de monter en ligne mardi soir, nous n'avons pas voulu marcher, nous nous sommes mis presque en grève, et beaucoup d'autres régiments ont fait comme nous. Vous savez si cela fait du propre... Quand j'irai en perme je vous raconterai mieux [...] Ils nous prennent pour des bêtes, nous faire marcher comme cela et pas grand-chose à manger, et encore se faire casser la figure pour rien; on aurait monté à l'attaque, il en serait resté la moitié et on n'aurait pas avancé pour cela. Enfin je ne sais pas quoi que ça va devenir, ça va très mal pour le moment.

 

Peut-être que vous ne recevrez pas ma lettre, ils vont peut-être les ouvrir et [celles] où l'on raconte ce qui se passe [ils] vont les garder ou les brûler... Moi je m'en moque, j'en ai assez de leur guerre..."

 

Soldat de la 7° compagnie du 36° Régiment d'Infanterie

 

 

 

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Le 30 mai 1917

 

Léonie chérie

J'ai confié cette dernière lettre à des mains amies en espérant qu'elle t'arrive un jour afin que tu saches la vérité et parce que je veux aujourd'hui témoigner de l'horreur de cette guerre.

 

Quand nous sommes arrivés ici, la plaine était magnifique. Aujourd'hui, les rives de l'Aisne ressemblent au pays de la mort. La terre est bouleversée, brûlée. Le paysage n'est plus que champ de ruines. Nous sommes dans les tranchées de première ligne. En plus des balles, des bombes, des barbelés, c'est la guerre des mines avec la perspective de sauter à tout moment. Nous sommes sales, nos frusques sont en lambeaux. Nous pataugeons dans la boue, une boue de glaise, épaisse, collante dont il est impossible de se débarrasser. Les tranchées s'écroulent sous les obus et mettent à jour des corps, des ossements et des crânes, l'odeur est pestilentielle.

Tout manque : l'eau, les latrines, la soupe. Nous sommes mal ravitaillés, la galetouse est bien vide ! Un seul repas de nuit et qui arrive froid à cause de la longueur des boyaux à parcourir. Nous n'avons même plus de sèches pour nous réconforter parfois encore un peu de jus et une rasade de casse-pattes pour nous réchauffer.

Nous partons au combat l'épingle à chapeau au fusil. Il est difficile de se mouvoir, coiffés d'un casque en tôle d'acier lourd et incommode mais qui protège des ricochets et encombrés de tout l'attirail contre les gaz asphyxiants. Nous avons participé à des offensives à outrance qui ont toutes échoué sur des montagnes de cadavres. Ces incessants combats nous ont laissé exténués et désespérés. Les malheureux estropiés que le monde va regarder d'un air dédaigneux à leur retour, auront-ils seulement droit à la petite croix de guerre pour les dédommager d'un bras, d'une jambe en moins ? Cette guerre nous apparaît à tous comme une infâme et inutile boucherie.

Le 16 avril, le général Nivelle a lancé une nouvelle attaque au Chemin des Dames. Ce fut un échec, un désastre ! Partout des morts ! Lorsque j'avançais les sentiments n'existaient plus, la peur, l'amour, plus rien n'avait de sens. Il importait juste d'aller de l'avant, de courir, de tirer et partout les soldats tombaient en hurlant de douleur. Les pentes d'accès boisées, étaient rudes .Perdu dans le brouillard, le fusil à l'épaule j'errais, la sueur dégoulinant dans mon dos. Le champ de bataille me donnait la nausée. Un vrai charnier s'étendait à mes pieds. J'ai descendu la butte en enjambant les corps désarticulés, une haine terrible s'emparant de moi.

Cet assaut a semé le trouble chez tous les poilus et forcé notre désillusion. Depuis, on ne supporte plus les sacrifices inutiles, les mensonges de l'état major. Tous les combattants désespèrent de l'existence, beaucoup ont déserté et personne ne veut plus marcher. Des tracts circulent pour nous inciter à déposer les armes. La semaine dernière, le régiment entier n'a pas voulu sortir une nouvelle fois de la tranchée, nous avons refusé de continuer à attaquer mais pas de défendre.

Alors, nos officiers ont été chargés de nous juger. J'ai été condamné à passer en conseil de guerre exceptionnel, sans aucun recours possible. La sentence est tombée : je vais être fusillé pour l'exemple, demain, avec six de mes camarades, pour refus d'obtempérer. En nous exécutant, nos supérieurs ont pour objectif d'aider les combattants à retrouver le goût de l'obéissance, je ne crois pas qu'ils y parviendront.

Comprendras-tu Léonie chérie que je ne suis pas coupable mais victime d'une justice expéditive ? Je vais finir dans la fosse commune des morts honteux, oubliés de l'histoire. Je ne mourrai pas au front mais les yeux bandés, à l'aube, agenouillé devant le peloton d'exécution. Je regrette tant ma Léonie la douleur et la honte que ma triste fin va t'infliger.

C'est si difficile de savoir que je ne te reverrai plus et que ma fille grandira sans moi. Concevoir cette enfant avant mon départ au combat était une si douce et si jolie folie mais aujourd'hui, vous laisser seules toutes les deux me brise le cœur. Je vous demande pardon mes anges de vous abandonner.

Promets-moi mon amour de taire à ma petite Jeanne les circonstances exactes de ma disparition. Dis-lui que son père est tombé en héros sur le champ de bataille, parle-lui de la bravoure et la vaillance des soldats et si un jour, la mémoire des poilus fusillés pour l'exemple est réhabilitée, mais je n'y crois guère, alors seulement, et si tu le juges nécessaire, montre-lui cette lettre.

Ne doutez jamais toutes les deux de mon honneur et de mon courage car la France nous a trahi et la France va nous sacrifier.

Promets-moi aussi ma douce Léonie, lorsque le temps aura lissé ta douleur, de ne pas renoncer à être heureuse, de continuer à sourire à la vie, ma mort sera ainsi moins cruelle. Je vous souhaite à toutes les deux, mes petites femmes, tout le bonheur que vous méritez et que je ne pourrai pas vous donner. Je vous embrasse, le cœur au bord des larmes. Vos merveilleux visages, gravés dans ma mémoire, seront mon dernier réconfort avant la fin.

 

Eugène ton mari qui t'aime tant

 

 

 

 

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20 décembre 1917.

   Ma douce Thérèse,

 

   Voilà quelques jours que je ne t'ai pas écrit mais, vois-tu, ici dans les tranchées, il fait froid. Mes doigts sont tout engourdis, c'est à peine si j'arrive encore à manier mon fusil. Les conditions de vie pour les soldats tels que moi sont devenues insupportables. Chaque seconde, nous devons lutter contre la faim, le froid, le sommeil et la peur. Car oui, nous avons peur. Peur de voir des allemands surgir à tout moment. L'intérieur des tranchées n'est que gadoue. Cette boue se retrouve partout, même dans le pain que l'on mange une fois qu'on l'a touché. Ça a d'ailleurs un goût assez désagréable. Mais il ne nous est pas permis de faire la fine bouche puisque la nourriture se fait de plus en plus rare. Les rats ont également envahis nos tranchées. Ils sont énormes et sont encore plus laids que ceux que j'ai pu voir à la ferme. Et plus méchants. Il y a peu, ils ont tué un chien et l'ont mangé.

 

   Tuer est devenu pour moi une habitude. C'est horrible à dire mais c'est la vérité. Ces trois années de guerre ont fait de moi et de tous mes compagnons des monstres. Les grandes batailles telles que celle de Verdun l'année dernière qui a fait plus de 680 000 morts en sont la preuve formelle.

 

   Nous avons tous perdu espoir de voir ce massacre se terminer un jour. Lorsque je suis parti, même si te quitter a été pour moi un déchirement, j'avais le sourire car je croyais l'État lorsqu'il nous disait que ce ne serait qu'une question de mois, que nous reviendrions vite retrouver notre petite vie tranquille. Tous les soldats l'ont cru. Le fait est que c'est le troisième Noël que je vais passer loin de toi et que plus de la moitié des hommes avec qui je suis parti sont déjà morts. Ils avaient tous des parents, des amis, une famille, certains étaient même père. Ils ne reverront jamais ceux qui leur étaient chers. Et tout ces enfants grandiront seuls, parce que leur père est parti mourir pour la patrie.

 

   Mais l'Etat est coupable d'un mensonge encore plus grand. Un de nos camarades est rentré de permission il y a quelques semaines. Il nous a ramené des journaux pour nous montrer ce que l'on dit aux civils à propos de la guerre. Les balles ennemies ne seraient d'aucun effet sur nous. Et le fils de la voisine alors, comment est-il mort? Un autre article aussi parlait de Verdun justement. Alors comme ça, les abris avaient tout le confort nécessaire, tel que le chauffage ou l'électricité? D'après le soldat, lorsqu'il a voulu contredire ce ramassis de mensonges, les civils ne l'ont pas cru. Ils étaient persuadés que ce qui étaient écrit n'est autre que la vérité. Comment peut-il en être ainsi? J'espère que tu ne fais pas partie de ces gens-là ou alors que cette lettre te fera changer d'avis.

 

   Certains de mes compagnons, parce qu'ils n'en pouvaient de vivre loin de leur famille sans voir grandir leurs enfants, ont eu recours à la mutilation volontaire. Nos supérieurs s'en sont aperçus et ces soldats seront fusillés ce soir. Comment l'État peut-il agir ainsi? Tous ces soldats se battent pour des hommes plus haut placés qui eux, restent bien au chaud en élaborant des pseudostratégies. Pourtant, au moindre signe de faiblesse, dès que l'envie d'arrêter de tuer se fait ressentir, le gouvernement n'hésite pas à tuer ces soldats, alors que ce sont des hommes de sa patrie qui auraient été prêts à donner leur vie pour la France! Qu'ils s'occupent plutôt des ces foutus boches qui nous canardent du matin au soir! C'est comme l'affaire des martyrs de Vingré. Ces pauvres hommes n'étaient coupables de rien, sinon d'avoir voulu échapper à l'ennemi.

 

   Tu dois te demander pourquoi je te dis tout cela aujourd'hui alors que, dans mes précédentes lettres, j'avais l'air d'être heureux. En voici la raison : la censure veille. Elle lit le moindre de nos courriers et, dès qu'une lettre est un peu pessimiste, elle est détruite. Le gouvernement vous fait croire que nous allons gagner cette guerre, que les soldats meurent heureux pour leur patrie, que nous mangeons toujours à notre faim et que nous ne souffrons pas du froid. Tout cela est faux et je veux que tu saches la vérité. Mais je sais que tu recevras cette lettre car le fils du boulanger a une permission. Je lui ai demandé de te donner cette lettre. Pourras-tu le remercier en lui cuisinant quelques chose? Tu as toujours eu un don pour la cuisine.

 

   J'espère que notre fils va bien. Je ne l'ai vu que deux fois depuis qu'il est né. J'espère que j'aurais bientôt une autre permission pour pouvoir vous rendre visite. Ces jours loin de vous deux deviennent de plus en plus insupportables.

 

Tout mon amour dans cette lettre pour toi et notre enfant.

 

René.

 

 

 

 

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Gaston Biron a attendu une permission pendant plus de deux ans. Quand

elle arrive enfin, elle est chargée d’une épouvantable déception.

 

Ma chère mère,

Je vais probablement t’étonner en te disant que c’est presque sans

regret que j’ai quitté Paris, mais c’est la vérité.

Que veux-tu, j’ai constaté comme tous mes camarades du reste que

ces deux ans de guerre avaient amené petit à petit chez la population

civile, l’égoïsme et l’indifférence et que nous autres combattants nous

étions presque oubliés. (...)

Je vais donc essayer d’oublier comme on m’a oublié, ce sera certainement

 plus difficile, et pourtant j’avais fait un bien joli rêve depuis deux

ans. Quelle déception ! Maintenant je vais me sentir bien seul. Puissent

les hasards de la guerre ne pas me faire infirme pour toujours, plutôt la

mort c’est maintenant mon seul espoir.

Gaston, lettre datée du 14 juin 1916

 

 

 

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- Roland Dorgelès, Les Croix de bois, Incipit (extrait)

 

Les fleurs, à cette époque de l’année, étaient déjà rares ; pourtant on en avait trouvées pour décorer tous les fusils du renfort et, la clique en tête, entre deux haies muettes de curieux, le bataillon, fleuri comme un grand cimetière, avait traversé la ville à la débandade.

Avec des chants, des larmes, des rires, des querelles d’ivrognes, des adieux déchirants, ils s’étaient embarqués. Ils avaient roulé toute la nuit, avaient mangé leurs sardines et vidé les bidons à la lueur d’une misérable bougie, puis, las de brailler, ils s’étaient endormis, tassés les uns contre les autres, tête sur épaule, jambes mêlées.

Le jour les avait réveillés. Penchés aux portières, ils cherchèrent dans les villages, d’où montaient les fumées du petit matin, les traces des derniers combats. On se hélait de wagon à wagon.

— Tu parles d’une guerre, même pas un clocher de démoli !

Puis, les maisons ouvrirent les yeux, les chemins s’animèrent, et retrouvant de la voix pour hurler des galanteries, ils jetèrent leurs fleurs fanées aux femmes qui attendaient, sur le môle des gares, le retour improbable de leurs maris partis. Aux haltes, ils se vidaient et faisaient le plein des bidons. Et vers dix heures, ils débarquaient à Dormans, hébétés et moulus.

Après une pause d’une heure pour la soupe, ils s’en allèrent par la route, – sans clique, sans fleurs, sans mouchoirs agités, – et arrivèrent au village où notre régiment était au repos, tout près des lignes. 

Là, on en tint comme une grande foire, leur troupeau fatigué fut partagé en petits groupes – un par compagnie – et les fourriers désignèrent rapidement à chacun une section, une escouade, qu’ils durent chercher de ferme en ferme, comme des chemineaux sans gîte, lisant sur chaque porte les grands numéros blancs tracés à la craie.

Bréval, le caporal, qui sortait de l’épicerie, trouva les trois nôtres comme ils traînaient dans la rue, écrasés sous le sac trop chargé d’où brillaient insolemment des ustensiles de campement tout neufs.

— Troisième compagnie, cinquième escouade ? C’est moi le cabot. Venez, on est cantonné au bout du patelin.

Quand ils entrèrent dans la cour, ce fut Fouillard, le cuisinier, qui donna l’alerte.

— Hé ! les gars, v’là le renfort. 

Et ayant jeté, devant les moellons noirs de son foyer rustique, la brassée de papier qu’il venait de remonter de la cave, il examina les nouveaux camarades.

— Tu ne t’es pas fait voler, dit-il sentencieusement à Bréval. Ils sont beaux comme neufs.

Nous nous étions tous levés et entourions d’un cercle curieux les trois soldats ahuris. Ils nous regardaient et nous les regardions sans rien dire. Ils venaient de l’arrière, ils venaient des villes. La veille encore ils marchaient dans des rues, ils voyaient des femmes, des tramways, des boutiques ; hier encore ils vivaient comme des hommes. Et nous les examinions émerveillés, comme des voyageurs débarquant des pays fabuleux.

— Alors, les gars, ils ne s’en font pas là-bas ?

— Et ce vieux Paname, questionna Vairon, qu’est-ce qu’on y fout ?

Eux aussi nous dévisageaient, comme s’ils étaient tombés chez les sauvages. Tout devait les étonner à cette première rencontre ; nos visages cuits, nos tenues disparates, le bonnet de fausse loutre du père Hamel, le fichu blanc crasseux que Fouillard se nouait autour du cou, le pantalon de Vairon cuirassé de graisse, la pèlerine de Lagny, l’agent de liaison, qui avait cousu un col d’astrakan sur un capuchon de zouave, ceux-ci en veste de biffin, ceux-là en tunique d’artilleur, tout le monde accoutré à sa façon ; le gros Bouffioux, qui portait sa plaque d’identité à son képi, comme Louis XI portait ses médailles, un mitrailleur avec son épaulière de métal et son gantelet de fer qui le faisaient ressembler à un homme d’armes de Crécy, le petit Belin, coiffé d’un vieux calot de dragon enfoncé jusqu’aux oreilles, et Broucke, « le gars de ch’Nord », qui s’était taillé des molletières dans des rideaux de reps vert.

Roland Dorgelès, incipit des Croix de bois (1919), Albin Michel, réédition Livre de Poche 2011 p. 7 à 9

 

 

 

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Provins, le 1er Novembre 1915

Chère Marie,

Je t'écris deux mots de lettre pour te dire que suit en bonne santé et je désire que ma lettre vous trouve tous, de même.

Je suis toujours à l'hôpital mais pas pour longtemps, si j'avais resté 15 jours j'aurais eu une permission de 6 jours.

Je ne sais pas d'où que ça vient j'écris tous les jours et je reçois pas de réponse. J'attends de vos nouvelles au plutôt.

Je vois plus grand chose à vous dire pour aujourd'hui.

Je termine en vous embrassant de tout mon cœur.

Bien le bonjour à vous tous.

Antoine

Mon adresse :

à l'hôpital complémentaire n°3

 Provins

(Seine et Marne)

 

 

 

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Réjat, le 2 juin 1915

 

Très cher époux

Je t'écris ces quelques lignes pour te donner de nos nouvelles qui sont toujours très bonnes pour le moment toute la famille est ainsi et je pense que ma lettre te trouvera de même. Nous avons reçu ta lettre mardi qui nous fait grand plaisir d'apprendre de tes nouvelles que j'attendais tous les jours. Nous avons reçu tons Panorama vendredi. Les petits étaient bien content est ta petite fille qui parle tous jours de son papa qui est bien mignonne. Mon cher Antoine j'ai reçu mes allocations samedi soir à 3 heures trois cent vingt franc à partir du 15 janvier. Mais si tu as besoin de quelque chose, fais- moi donc savoir.

Belugeon m’a donné 3 boisseaux de trèfle voilà 3 jours que les vaches n’ont  pas été au champ. Tous les jours il pleut à torrent et il fait froid c’est un vilain temps.

Je ne vois plus grand chose à te dire mais ne te fais pas de mauvais sang sur nous autre tu peux être tranquille à présent.

Je termine ma lettre en t'embrassant de tout mon coeur bien des fois. Ta femme. Bien le bonjour de la part de toute la famille. Marie

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